E LA VERRERIE OU DE L'ART DE FAIRE LE VERRE, & DES OUVRAGES QUI SONT FAIT DE VERRE.


Le soufflage du verre (Jan Luyken).

Ce que c'est que le Verre.
Le Verre est un corps fragile, transparent, factice, qui imite le Cristal ou Verre naturel.

Matière dont on le fait.
Les ingrédients qu'on emploie ordinairement pour faire le Verre, sont diverses sortes de Soudes, & surtout celle d'Alicante, des Cendres de lessive & de lougère, du sable de grais, ou même du sable commun, & quelques espèces de cailloux qu'on concasse.

Les sels alcalis qu'on tire de ces plantes & autres, réduites en cendres, étants mélés avec le sable mis en fusion sur un grand feu, font la matière du verre. Le Sel de la Soude commune & des Cendres ordinaires, étant mélé avec du sable, fait une Verre commun. La Soude & le Sable choisi, font le plus beau Verre, comme les Glaces & le Cristal.

Droit qu'ont les Gentilshommes Français de fabriquer le Verre.
En France il n'y a que les Gentilshommes qui aient le droit de soufler & de frabriquer le Verre. C'est un privilège que les Rois de France ont bien voulu accorder à la pauvre Noblesse pour la faire subsister, L'art avec lequel ces Gentilshommes souflent le Verre est si curieux, & si peu connu de bien des gens, que nous allons donner une courte description de la matière dont on fait le Verre rond, autrement appellé Verre en plat.

Comment on le fait.
Le four où l'on fait le Verre rond, ainsi nommé à cause de sa figure, à six ouvertures qu'on nomme des Ouvreaux, la principale, celle où l'on chauffe & l'on ouvre les plats de Verre, s'appelle le grand Ouvreau. Deux des autres Ouvreaux portent le nom d'Ouvreaux à cueillir, parce qu'ils servent à prendre ou à recueillir au bout des cannes de fer, la matière propre à faire le Verre. C'est par les autres Ouvreaux que se mettent dans les Pots les matières fusibles pour pour les préparer à être vuidées ensuite dans les pots à cueillir.

Chaque four a six pots, faits d'une matière propre à soutenir l'ardeur du feu, & l'effort de la soude, qui perce ceux qui sont faits de toute autre terre. C'est dans deux de ces pots que l'on cueille, c'est à dire, que l'on prend la matière; les quatre autres ne servent qu'à les remplir; ce qu'on appelle terjetter. Le feu du Four s'entretient sans intermission avec du bois très sec.

Lorsque la matière contenue dans les deux Pots à cueillir est suffisament vitrifiée, le Gentilhomme Verrier prend la Selle, qui est une espèce de Sarbacane de fer, & la plongeant dans un des Pots à cueillir, la retire chargée de matière. Pour chaque plat ou table de Verre on cueille quatre fois, & à chaque fois on roule le bout de la Selle, où est le Verre liquide, sur un morceau de fer, au dessus duquel est une auge pleine d'eau, dont la fraicheur sert à consolider plus promptement le Verre, & à le mettre plus en état de se lier à celui qu'on reprend dans le pot à cueillir.

Après qu'on a cueilli la quatrième fois, & qu'il y a assez de matière, le Gentilhomme la soufle, en sorte qu'elle s'allonge à peu près d'un pied; & pour lui donner le poli, il la roule sur un bloc ou table de marbre. En cet état elle se soufle une seconde fois, & c'est alors que se fait la bosse, c'est à dire que le Verre s'enfle, & prend la figure d'une Calebasse de 18 ou 20 pouces de diamètre. Le Verre souflé en bosse se remet au feu, où la bosse s'aplatit un peu.

La bosse aplatie, retirée du feu & refroidie se met sur l'atre du Four, pour être coupée au cou, c'est à dire du coté où elle tient à la Selle, & où son diamètre est le plus petit; ce qui se fait avec un peu d'eau froide qu'on y répand, qui par sa fraicheur fêle & incise le Verre de la longueur de 2 ou 3 lignes, après quoi, en frapant légèrement dessus, l'incision se communique tout autour du cou.

Quand la bosse est coupée, on trempe une baguette ou verge de fer dans un des Pots à cueilir, & avec la matière qu'elle en remporte, on l'attache au plat de la bosse, précisément à l'endroit opposé à celui où se fait l'incision. La bosse ainsi soutenue par la verge de fer, se porte au grand Ouvreau pour y être chauffé; & tandis qu'un Ouvrier qu'on nomme le Tiseur ou le Fouet, en prend soin, son Gentilhomme se repose & se prépare à la brancher.

Brancher la bosse, c'est l'ouvrir, en mettant dans l'ouverture qu'à faite l'incision, un instrument de fer qu'on nomme branche, qui, à force d'y être tournée en rond, augmente cette ouverture jusqu'à dix pouces de diamètres, & qui, en épaisissant les bords du Verre qu'elle remplie en quelque sorte en cet endroit, forme forme cet ourlet qui termine toute la circonférence du plat du Verre.

La bosse branchée se rapporte encore au grand Ouvreau; & c'est là qu'après être parvenue au degré de chaleur nécessaire, le Gentilhomme la reprend & lui donne sa perfection, par le mouvement sphérique dont il l'agite, & qu'il augmente a mesure que la bosse s'ouvre & s'aplatit; ce qu'elle fait d'elle - même, aidée de la chaleur & de cette continuelle agitation.

Le plat de Verre étant ainsi fini, on le porte de l'Ouvreau, en continuant toujours de le tourner en rond, sur ce qu'on appelle Pelote, qui est une espèce de petit Etabli de terre, garni de braise éteinte, sur lequel on le laisse un peu refroidir & prendre consistance, après l'avoir détaché de la verge de fer par deux mouvements de poignet. C'est l'endroit par où cette verge tient au plat de Verre qu'on appelle l'Œil de bœuf ou la Bondine du Verre.

Le plat n'étant que peu de temps sur la Pelote, on se sert d'une fourche de fer à deux longs fourchons, pour le porter au Four à recuire, où Il est mis perpendiculairement dans une des ouvertures qu'on appelle Arches, d'où, après 24 heures, il est retiré & placé en dépôt dans des Revestans, qui sont des espèces de Paniers partagés par plusieurs tringles de bois, jusqu'à ce qu'on les mette dans les Paniers qui servent à les transporter dans les lieux où ils se débitent.

La fabrique du Verre en plat convient également au Verre blanc & au Verre commun, dont la différence ne consiste que dans la bonté des Soudes qu'on y emploie, & des autres matières qui entrent dans leur composition.

On se le sert que de la Soude d'Alicante pour le Verre blanc; toutes les autres sont propres au Verre Commun.

Le verre nommé Groisil.
Ce qu'on appelle Groisils, sont des Verres cassés qu'on remet à la fonte; les blancs servent au Verres blancs, & les communs au Verre ordinaire. C'est la meilleure matière que les Vitriers puissent employer.

Le verre caisillieux.
Le Verre casillieux est du Verre qui se casse aisément quand on veut le couper avec le Diamant. C'est le Verre mal recuit qui a ce défaut.

L'usage du Verre en plat.
Le Verre en plat, soit le blanc, soit le commun, se consomme en grande partie pour les Vitres ; mais on n'y emploie le Verre blanc que dans quelques appartements les plus magniques, on le reserve pour les Tableaux de pastel & de miniature, ou pour les Estampes & les Tailles-douces qu'on met en cadre.

Le Verre en table ou de Lorraine.
Le Verre en table, qu'on appelle ordinairement Verre de Lorraine, se soufle à peu-près comme les Glaces de Miroir. Le Four, les Pots, la matière & le feu, qu'on emploie pour sa fabrique, sont les mêmes que ceux pour les Verres ronds; la différence de l'opération ne commençant qu'après que l'Ouvrier a cueilli pour la quatrième fois le Verre, c'est-à-dire, après qu'il a chargé la Selle ou Sarbacane.

Ses espèces.
Il y a plusieurs espèces de Verres en table. Les plus épais sont de 80 ou 100 tables à la potée, & les plus minces de 300 à 400. Il s'en fait aussi de diverses couleurs. Il sont toujours plus étroits par un bout que par l'autre, On s'en sert, au lieu de véritables Glaces, aux Chaises à porteurs, aux Carosses de louage, &c.

Outre les Verreries destinées à la fabrique du Verre ou en plat, ou en table, il y en a d'autres dans lesquels se font plusieurs marchandises de Verreries. Dans les unes on soufle les Verres à boire, soit de ceux qu'on appelle de Cristal, soit de ceux qu'on nomme de Fougère. Dans d'autres on ne fabrique que des Bouteilles de gros Verre, dont la consommation est aujourdhui très considérable. il y en a pour les Bouteilles de Verre fin, qu on couvre d'un Osier blanc; mais dont la fabrique est beaucoup diminuée, depuis le goût qu'on a pris pour les Bouteilles de gros Verre. Il y en a même où l'on ne fait que de légers ouvrages, soit d'usage, soit de curiosité, comme des Bénitiers, des Aiguières, des Flambeaux, des Carafes, des Flacons de toutes fortes, des Salières, des huiliers & Vinaigriers, des Soucoupes, des Gobelets, &c.

Les Verres à boire.
Les Verres à boire font faits de simple Verres ou de Cristal. Ils ont trois parties, le Calice, le Bouton, & la Patte, qui se travaillent séparément. Rien n'est plus industrieux que l'art de les fouller, d'en ouvrer deux des trois, & de les joindre à la troisième; mais ce travail ne se peut bien comprendre que par la vue.



 La peinture en émail      La peinture sur verre