E LA PORCELAINE.

La Porcelaine de la Chine imitée en Europe.
La Porcelaine est une espèce de Poterie fine & précieuse, qui se fait depuis un grand nombre de siècles à la Chine & au Japon, & qu'on imite aujourdhui parfaitement en Europe, surtout en Saxe & en France. Les Chinois donnent à leur Porcelaine le nonm de Tbski; & le mot de Porcelaine vient apparemment de Porcellane, qui, en Langue Portugaise, signifie une Tasse ou une Ecuelle.

Epoque de son invention à la Chine.
On ignore l'époque de l'invention de la Porcelaine de la Chine. Tout ce qu'on en sait de certain, c'est qu'elle doit au moins être du commencement du 5ème siècle de l'Ere Chrétienne.

La plus belle.
Il se fait de la Porcelaine dans diverses Provinces de la Chine, particulierement dans celles de Foukien, de Canton, & de Kimtetchïm. La plus estimée est celle qui se fabrique dans les Ateliers de cette dernière Province.

Fabrique de la Porcelaine de Chine.
Il y a quatre choses essentielles à considerer dans la fabrique de la Porcelaine de la Chine: 1. la matière dont on la fait; 2. l'Art d'en former des Vases, ou d'autres sortes d'Ouvrages; 3. les couleurs qui servent à la peindre; 4. la cuisson.

Les Terres.
Deux sortes de Terre & deux espèces d'Huile ou de Vernis entrent dans sa composition.

L'une de ces Terres, qui s'appelle Petuntse, est blanche, très fine, très douce au toucher. Son blanc doit tirer un peu sur le vert. La seconde, qu'ont nomme Kaolin, est parsemée de corpuscules qui ont quelque éclat. Le Kaolin est moins dur que le Petuntse, quand on le tire de la Carrière, & c'est cependant son mêlange avec celui-ci qui donne de la fermeté à l'Ouvrage.

Ces deux Terres se trouvent dans des carrières à 20 ou 30 lieues de Kimtetchim, Ville où sont établis les Ateliers où se font les plus belles Porcelaines de toute la Chine, & où ces Terres, ou plutôt les Pierres dont on fait ces Terres. sont tranrportées sur un nombre infini de petites Barques, qui montent & descendent sans cesse la Rivière de ]oatcheou.

Les Huiles.
A l'égard des Huiles que les Chinois font entrer dans la composition de leurs Porcelaines fines. l'une se tire des Petuntses. & se nomme Teou de Petuntse. c'est-à-dire Huile de Petuntse, ou Tside Petuntse, ce qui signifie Vernis de Petuntse. L'autre Huile, qui se fait avec de la Chaux, s'appelle Huile de Chaux.

On met ordinairemt dix mesures d'Huile de Petuntse contre une mesure d'Huile de Chaux: quelques-uns, par épargne, n'en mettent que trois de la prémière.

Les Ateliers.
Les Ateliers où l'on forme les Ouvrages de Porcelaine, sont de vastes enceintes de murailles, où sont élevés divers grands appentis de charpente, sous lesquels travaillent les Ouvriers, & quantité d'autres Bàtiments qui leur servent de demeure.

Les Ouvriers.
Le nombre des personnes qui travaillent à ces Ouvrages est prodigieux, n'y ayant guère de morceau de Porcelaine qui ne passe par plus de vingt mains, avant que d'être porté aux Ateliers des Peintres, & par plus de soixante pour avoir leur entière perfection.

Proportions des ingrédients.
On met une quantité égale de Petuntse & de Kaolin pour les Porcelaines fines; quatre parts de Kaolin sur six de Petuntse pour les moyennes; & jamais moins d'une part de Kaolin sur trois de Petuntse, même pour les Porcelaines les plus grossières.

Ce qu'il y a de pénible dans ce travail.
Ce qu'il y a de plus pénible, c'est de pétrir ensemble ces deux Terres, ce qui se fait dans de grands Bassins, dans lesquels des Ouvriers les foulent aux pieds, jusqu'à ce que cette masse prenne le degré de consistance qu'elle doit avoir.

Au sortir des Bassins la Terre se pétrit une seconde fois, mais par morceaux & à la main, sur de larges Ardoises, C'est de cette façon que dépend toute la perfection de l'Ouvrage, le moindre corps étranger, ou le moindre vide qui s'y trouverait, pouvant tout gâter.

La Roue & les Moules.
C'est à la Roue, ou dans des Moules, que la Porcelaine se fabrique. Les Porcelaines unies, comme les Tasses, les Urnes, les Soucoupes, se font toujours à la Roue. Celles qui sont de relief, comme les figures d'Hommes ou d'Animaux, se font dans des Moules, mais elles s'achèvent au ciseau. D'autres sont faites partie à la Roue & partie au Moule; ce sont celles auxquelles on ajoute quelques omements, apres qu'on les a tournées.

Ouvrages faits à la Roue.
Les grandes pièces se font à deux fois. Une moitié est élevée sur la Roue, jusqu'à ce qu'elle ait pris sa figure; & lorsqu'elle l'a, on y applique l'autre moitié, qui a été fabriquée de même: on les unit toutes deux avec de la Terre à Porcelaine, qu'on polit avec une espece d'Espatule de fer.

C'est aussi de cette manière qu'on réunit les diverses pièces de Porcelaines. qui se font au Moule ou à la main, & qu'on ajuste des anses & autres semblables Ouvrages, qui ont été faits à la Roue.

Ouvrages faits dans des Moules.
Les Moules se font à peu près comme ceux des Sculpteurs pour mouler des figures en rond, en bosse, en bas-relief. La Terre dont ils sont faits est en jaune & grasse.
Les Ouvrages qui se font dans des Moules s'achèvent & se perfectionnent à la main avec divers instruments propres à creuser, à polir, &c. Il y a des Ouvrages auxquels on ajoute des reliefs tout préparés, comme des Dragons, des Fleurs. &c.

Le travail de la Peinture est empartagé dans un même Laboratoire entre un grand nombre d'Ouvriers. Mais, en général, les Peintres de la Chine, particulierement ceux qui font la figure sont de très médiocres Ouvriers. Ce qu'il y a de supportable, ce font les fleurs, les Animaux, & les Paysages.

Les Couleurs.
Quant aux Couleurs qu'emploient ces Peintres, elles sont vives, brillantes; & il sera toujours diffiçile aux Peintres d'Europe de les imiter dans leurs Ouvrages de Porcelaines fines. Il se fait à la Chine des Porcelaines de toutes couleurs, soit pour les fonds, soit pour les représentations dont on les orne.

Porcelaine noire.
Il y a une Porcelaine noire, qu'on appelle Oumien, & qui est ordinairement rehaussée d'Or. L'Or ne s'applique qu'après la cuisson, &. se recuit dans un fourneau particulier.

On fait certaines Porcelaines plutôt pour la curiosité que pour l'usage. Les plus agréables sont les Porcelaines découpées, & les Porcelaines magiques.

Porcelaines decoupées.
Les Porcelaines découpées sont doubles: Il au dehors est une découpure à jour, faite en compartiments, & au dedans est une Coupe solide, propre à contenir la liqueur, & qui ne fait qu'un corps avec l'Ouvrage découpé. On a vu en France des Tasses & des Pots de cette forte de découpure, mais dont la Coupe intérieure était de verre; ce qui fais un bien meilleur effet qu'une Coupe de Porcelaine.

Porcelaines magiques.
Les Porcelaines magiques sont celles dont les figures ne paraissent que lorsqu'elles se trouvent remplies de quelque liqueur
Le secret en est presque perdu. Lorsque les Couleurs font bien sèches, on achève de les polir, pour les préparer à recevoir l'Huile ou le Vernis; ce qu'on fait avec un Pinceau de plumes très fines, pour en ôter jusqu'aux plus petites Inégalités.

Le Vernis.
L'Huile ou le Vernis, qu'on pourrait nommer l'Email, est la dernière façon qu'on donne à la Porcelaine avant que de la porter au Fourneau. Elle se donne plus ou moins épaisse, & à plus ou moins de reprises, suivant la qualité de l'Ouvrage.

Fabrique du pied.
Ce n'est qu'après que la Porcelaine a reçu son Huile qu'on en achève le pied, qui jusqu'à là était demeuré massif, ce qui se fait sur le Tour; & c'est alors qu'après qu'on l'a creusé, on y peint un petit cercle de couleur, & souvent une lettre Chinoise. Quand cette Peinture est sèche, on vernit aussi le creux du pied; & c'est par où finit l'ouvrage, qu'on porte de l'Atelier au Fourneau pour y être cuit.

Les Fourneaux.
On se sert de deux fortes de Fourneaux pour la cuisson de la Porcelaine; de grands Fourneaux pour celle qu'on ne met qu'une feule fois au feu, ce qui est l'usage le plus commun; & de petits Fourneaux pour celle qui a besoin d'une double cuisson.

Les grands fourneaux ont deux brasses Chinoises de hauteur, & presque quatre de profondeur. On brule communément pour une fournée jurqu'à 180 charges de bois.

La Porcelaine qu'on met dans les Fours, est renfermée dans des Caisses, qui sont faites de la même terre dont les Fourneaux sont construits. Chaque Porcelaine, pour peu considérable qu'elle soit, a sa Caisse à la réserve des plus petites, comme les tasses à Thé ou à Chocolat, dont on enferme plusieurs dans une seule Caisse. Elles n'ont point de couvercles, mais elles s'en servent mutuellement, le fond d'une seconde Caisse s'emboitant sur l'ouverture de la prémière, & ainsi de suite jusqu'au haut de chaque colonne, que l'Ouvrier en forme, n'y ayant que la dernière Caisse de la Pile qui ait son propre couvercle.

Il est rare qu'une Fournée réussisse entierement, souvent elle est toute perdue, de même que les Caisses, lors surtout que le feu a été trop violent.

Porcelaine de Perse.
On fait dans toute la Perse une grande quantité de belle Porcelaine, qu'on ne distingue que difficilement de celle de la Chine. La matière dont on la compose, est du Verre & des petits Cailloux de Rivière, broyés ensemble.

Porcelaine de France.
On a établi en France des Manufactures de Porcelaine qui ont très bien réussi. Les Ouvrages qu'on en fait à Rouen, à Chantilly, & à St Cloud, n'ont pas peu contribué à faire tomber le prix de la Porcelaine de la Chine & du Japon. La Manufaé1ure de St Cloud s'est fort perfectionnée dans ces derniers temps.

Celle de Saxe.
La Porcelaine qu'on admire le plus, & qui est à plusieurs égards d'une beauté achevée, c'est celle de Saxe. Elle est surtout remarquable par l'éclat de l'Or dont est revêtu tout l'intérieur de certaines Tasses blanches.

Mémoires sur la Porcelaine.
Nous avons de Mr. de Réaumur sur la Porcelaine deux excellents Mémoires, qui méritent d'être consultés, & auxquels nous renvoyons.



 La fayence      Le diamant