E LA FONTE DES CLOCHES.

Temps de l'invention de la fonte des Cloches.
La fonte des Cloches tient en quelque sorte le milieu pour l'antiquité entre celle des Statues & celle de l'Artillerie, étant de bien des siècles plus nouvelle que la première, & ayant été pratiquée onze ou douze cens ans plutôt que la seconde.

Poids énorme de certaines Cloches.
Il y a des cloches d'un poids énorme. Celle qu'on nomme à Rouen, George d'Amboise, & qui a été fondue sous le règne de Louis XII, pèse plus de 36 milliers. Celle de Paris, appelée Emmanuelle, & qui a été fondue en 1682, est du poids de 31 milliers. nous apprenons du Père le Comte, Jésuite, que la Cloche de Nankin est de 50 milliers, & celle de Pékin de plus de 120 milliers. Il y en a une à Moscou qui pèse 66000 livres.

Une partie de ce que nous avons dit dans l'Article précédent touchant la manière de jetter des Statues en bronze, convient aussi, à bien des égards, à la fonte des Cloches. Voici en peu de mots ce que la fonte des Cloches a de particulier & de remarquable.

Métal des Cloches.
Il n'entre point d'Etain dans le Métal des Statues; il y en a un cinquième dans celui des Cloches.

Leurs proportions.
Les Cloches demandent nécessairement certaines proportions, dont les unes sont simples & les autres relatives. Les proportions simples sont celles qui doivent se trouver entre les parties d'une Cloche, & que l'expérience a montrées nécessaires pour la rendre agréablement sonore. Les proportions relatives sont celles qui établissent un raport demandé entre une Cloche & une autre pour y mettre un accord.

C'est sur la Cire que se travaillent les moulures & autres ornemens des Cloches & que se gravent en relief les Inscriptions qu'on juge à propos d'y mettre. Leurs diverses parties.
On distingue dans une Cloche les parties suivantes: 1. la Patre, ou le Cercle inférieur, qui la termine en s'amincissant; 2. Panse, qu'on nomme aussi le Bord & la Pince, qui est la partie sur laquelle doit fraper la masse du Battant; 3. Les Faussures , qui sont les endroits recourbés en dehors, d'où la Cloche commence à s'élargir; 4. la Gorge, ou la Fourniture, qui est la partie qui s'élargit & s'épaissit par une Fourniture de Métal toujours plus grande jusqu'au bord; 5. le Vase supérieur, ou cette moitié de la Cloche qui s'élève au-dessus des Faussures; 6. le cerveau, qui fait la couverture de la Cloche, & qui par dedans soutient l'Anneau du Battant; 7. les Anses, qui sont des espèces de d'Anneaux ou de liens, fondus en même tems que la Cloche, & par lesquels on la suspend dans les Befrois.

Le Battant.
Le Battant ne fait pas partie de la Cloche. Il est de fer, & terminé par une grosse tête. Il est suspendu au milieu de la Cloche, afin qu'à chaque vibration, lorsqu'elle a été mise en branle, il redonne de nouveaux coups, qui augmentent par la force du mouvement.

Proportions modernes.
Les proportions modernes sont de donner au diamètre des Cloches quinze fois l'épaisseur du bord, & douze à la hauteur.

Si l'on faisait une Cloche toute d'une venue, d'une largeur égale, & d'une épaisseur égale, on en tirerait qu'un son ford sourd. Quand on a voulu prodiguer la matière, & outrer l'épaisseur, il n'en est provenu qu'une espèce de bourdonnement. En retranchant sur la dépense par le rétrécissement successif de la Cloche sur la hauteur, & par la diminution successive jusqu'à un certain point sur l'épaisseur, les Fondeurs obtiennent un son plus éclatant.

Son & Harmonie d'une Cloche.
Une Cloche est sonore dans toute son étendue. Le son du bord qui est plus épais est le son dominant; & il est au point d'affaiblir, quelque fois même d'effacer le son du Vase supérieur. Mais il arrive souvent qu'on les entende tous deux dans les plus petites Cloches, & bien plus distinctement dans les grosses. Une Cloche seule peut donc faire harmonie, & l'accord des deux sons est agréable ou désagréable, selon le raport du diamètre d'en-haut avec celui d'en-bas.

Désordres dans les proportions relatives des Cloches.
Il règne beaucoup de désordre dans les proportions relatives qui fixent l'accord de plusieurs Cloches. Les ouvriers s'y gouvernent par le secours de l'Echelle campanaire, dont ils font grand mystère. Mais il y a longtems que le Père Mersenne l'a rendue publique, & il a démontré qu'elle est fautive, contraire aux règles de l'harmonie, & sujette à de très grandes méprises. Ce savant Religieux a fait sur cela de grandes réformes; ce qui n'empêche pas que les Fondeurs ne s'en tiennent encore aujourd'hui aux rubriques de leurs Pères. Il serait à souhaiter que quelque habile Géomètre traitât à fond, & cependant d'une manière pratique, cette opération qui intéresse tout le Public.

Matières du Moule d'une Cloche.
Les matières nécessaires à la construction du Moule d'une Cloche sont, 1. la Terre la plus liante & la meilleure; 2. la brique pour le Noyau & le Fourneau; 3. la fiente de Cheval, la Bourre, le Chanvre, employés par mélange avec la terre; 4. la Cire pour former les Inscriptions & les figures. 5. le Suif qu'on mêle avec la Cire, pour en faire une pâte, dont on met une légère couche sur la Chape avant d'y appliquer les lettres.

Ce que c'est que ce Moule.
Le Moule de la Cloche est mis dans une Fosse d'une étendue suffisante. Quand au Fourneau, il est composé de deux places, dont l'une est composé de deux places, dont l'une est pour le feu, l'autre pour le Métal. La première est une espèce de Cheminée, dont le bas est enfoncé en terre, & sert à recevoir les cendres. La partie destinée à contenir le Métal est une Calotte ou Voute, dont le fond est fait d'une terre frapée au pilon: tout le reste du Fourneau est en brique.



 Le Bronze      La Fonte d'Artillerie