E L'ART DE JETER EN BRONZE DES STATUES, DES BAS-RELIEFS, DES BUSTES, DES VASES, & AUTRES OUVRAGES DE SCULPTURE.(a)

L'Art de jeter les Statues en bronze est très ancien.
L'Art de fondre les Statues, ou, comme on dit aujourd'hui, de les jetter en bronze, est très ancien. Les Grecs & les Romains l'ont poussé presqu'à la perfection. Le nombre des Statues consacrées aux Dieux & aux Héros était prodigieux, tant en Grèce qu'en Italie. Le goût des Romains pour les Statues donna lieu à ce bon mot; que dans leur Ville le Peuple d'Airain n'était pas moins nombreux que le Peuple Romain.

En quoi cet Art consiste.
Trois choses sont principalement nécessaires pour jetter en bronze des Statues, des Bas-reliefs, des Vases, & autres Ouvrages de Sculpture, savoir le Noyau ou l'ame, la Cire, la Chape ou le Moule extérieur, la Fosse, le Fourneau d'en-bas, & le Fourneau Supérieur.

Le Noyau, qui se trouve dans le centre de la Statue & qui la soutient, est une figure informe, mais approchante de celle qu'on veut jetter. On la dresse sur une Grille de fer, & en dedans on la fortifie par plusieurs barres & verges aussi fer. Ce Noyau serait ou d'une terre à Potier, mêlée de fiente de Cheval & de bourre; ou de Plâtre & de Brique bien battue & bien tassée. On se sert de Noyau dans les Statues pour en diminuer le poids & épargner le Métal.

La Cire est la représentation de la Statue, telle qu'on veut qu'elle soit en bronze. Cette Cire est ordinairement travaillée sur le Noyau même, & quelque fois à part dans des creux moulés dessus le modèle, qu'on arrange ensuite sur la Grille & autour des barres.

La Cire achevée & perfectionnée, on y attache du haut en-bas, des Tuyaux aussi de Cire, qui servent à faire les Jets & les Events, pour donner issue à l'air, qui causerait de grands désordre dans les cavités. L'Ouvrage en cet état n'a plus besoin que d'être couvert de la Chape.

La Chape est un enduit ou Croute, dont on couvre toute la Cire, qui en prend l'empreinte & les Contours. La matière dont on fait cet enduit change, à mesure qu'on met différentes couches. La Chape finie est assujettie par plusieurs bandes de fer plat, qui l'environnent & qu'on attache.

La Fosse est un trou creusé dans un lieu sec, & qu'on tient de quelques pieds plus profond que la Statue ne sera haute. Ce Trou est de forme quarrée, ou ronde, ou ovale, selon les saillies ou avances de certaines parties que doit avoir la Figure. On revêt l'intérieur de cette Fosse d'un grand mur de parement. Mais quand la Statue est extraordinairement grande, ou qu'on craint l'insinuation des eaux qui pénètrent la terre, on travaille alors sur le rès de chaussée, & on élève après coup une forte enceinte de murailles, capable de résister à la poussée du Métal en feu, & des terres qu'on y entassera jusqu'au comble.

Le Fourneau d'en-bas sert à fondre & faire écouler la Cire. Si l'Ouvrage est médiocre de grandeur, on se contente d'un Fourneau placé sous la Grille qui porte tout l'Ouvrage.

Le Fourneau supérieur est fait en forme de Four avec de la terre franche & des Tuileaux. Il a trois ouvertures, l'une pour mettre le bois, l'autre pour servir d'Event, & la troisième par où doit couler le Métal.

Lorsque le Moule est achevé, & enfermé entre les murs, soit de la Fosse faite dans la terre, soit de l'élévation construite sur le rès de chaussée, on allume un feu modéré dans le Fourneau d'en-bas, & l'on couvre la Fosse de planches, afin que la Cire puisse fondre doucement & s'écouler dans des Vaisseaux placés aux extrémités des Egouts qui sortent du Moule vers le bas. Au bout d'un ou deux jours toutes les Cires sont écoulées. Après avoir retiré ces cires, on emplit la Fosse de Tuileaux ou de Briquaillons jusqu'au dessus du Moule. On pousse le feu, qui pénètre l'Aire, le Noyau, & le Moule. Lorsque les Tuileaux, le Noyau, & le Moule sont devenus tout rouge par l'ardeur du feu, ce qui se fait ordinairement en 24 heures, & lorsque tout est refroidi, on ôte les Tuileaux & on met à leur place de la terre qu'on bat, & qu'on élève jusqu'au haut du Moule pour l'affermir.

Cela fait, il ne reste plus qu'à fondre le Métal & à le couler; c'est à quoi sert le Fourneau supérieur. On pratique depuis la troisième ouverture de ce Fourneau, qu'on tient bien fermée pendant que le Bronze est en fusion, une espèce de petit Canal, par lequel le Métal fondu puisse se communiquer à l'Echeno, qui est un grand Baffin de terre fine, placé au-dessus du Moule, au fond duquel aboutissent les grosses branches des jets, qui doivent servir à porter le Métal dans toutes les parties du Moule.

Ces jets sont terminées par des Godets de terre, que des Ouvriers tiennent bouchés avec des quenouillettes, afin qu'à l'ouverture du Fourneau, le bronze, qui en sort comme un torrent de feu, n'y entre que lorsque l'Echeno est assez rempli de matière, pour couler dans tous les Godets à la fois; ce qui arrive lorsque les Ouvriers lèvent ces Quenouillettes, qui sont de longs manches de fer, propre à remplir exactement la rondeur intérieure du Godet.

Le Perrier est une longue barre de fer, ou une forte perche emmanché d'une masse de fer, dont on se sert pour déboucher le canal ou l'ouverture du Fourneau, & donner issue au Métal fondu. Dès que le tampon est jetté au fond de l'Atre à l'aide du Perrier, le Métal part, inonde l'Echeno; & se présente aux Godets qu'il trouve encore fermés. En même tems les Quenouillettes montent à l'aide d'une Bascule. Le ruisseau de bronze se précipite légèrement par les jets dans tout l'intérieur du Moule. L'Echeno continue à s'emplir & à se désemplir. Déjà la matière est prête à s'épuiser dans le Fourneau, & elle regorge enfin dans l'Echeno, à la satisfaction du Fondeur, toujours inquiet sur les accidens qui peuvent arriver sous terre à son Métal.

Ce qui reste maintenant à faire est du ressort du Sculpteur. On retire le Saumon qui reste dans l'Echeno; on ôte les terres; on brise le Fourneau, & la Chape ou le Moule de potée. La Statue déterrée est mise en pied, à force de machines & de précautions, pour ne rien casser. le Sculpteur s'en étant emparé, fait scier les tuyaux dont elle est hérissée. Ses 0uvriers applanissent les boursouflures, les inégalités. Enfin, l'Ouvrage étant bien décrassé & réparé en entier, on l'enduit d'un Vernis, qui donne le même œil au corps entier & aux pièces de fonte de soudure postérieurement appliquées.

Fonte de menus ouvrages.
Quand aux menus Ouvrages de fonderie, qui se moulent sur un sable bien corroyé, ou dans des creux d'argile, ou d'autres matières qui ont reçu l'empreinte d'un modèle; la chose se conçoit sans peine, & n'a pas besoin d'être expliquée.

Quels sont ces Ouvrages.
Ces menus Ouvrages sont des Chandeliers, des Croix, des Sonnettes, des Timbres d'Horloge, des Clous de fonte de toutes sortes; diverses pièces de cuivre & de leton, qui servent aux Carrosses, aux Berlines, aux Litières, aux Harnais des Chevaux & des Mulets &c.


(a) Il n'y a que très peu de différence entre le Bronze & ce qu'on nomme la Fonte. Celle-ci est une espèce de Cuivre mêlangé d'autres Métaux, dont la grande partie doit-être de Cuivre rouge. L'Alliage de l'un & de l'autre est l'Etain & quelquefois le plomb, sur-tout quand on va à l'épargne. Mais le meilleur Bronze, celui dont fait les Statues, ne doit être composé que de moitié Cuivre rouge ou rosette, & de moitié Cuivre jaune ou Léton.



 Le Fer blanc      La Fonte des Cloches