IVERSES SORTES DE TAPISSERIES


Visite du roi Louis XIV à la manufacture des Gobelins.
Tapisserie des Gobelins de la suite de l'histoire du roi (1729 - 1734),
par l'atelier de Leblond. Chateau de Versailles.

Tapisseries nouvelles.
Outre les Tapisseries de Hautes & Basses-lisses, dont nous venons de parler dans les deux articles précédents, on en fait encore d'autres, dont les principales sont les Bergames, les Cuirs dorés, les Tapisseries de tontures de laine, & ces autres Tapisseries d'une invention assez nouvelle, qu'on fait de coutil, sur lequel avec diverses couleurs on imite assez bien les personnages & les verdures de la Haute-lisse.

Bergame, sorte de Tapisserie.
On donne le nom de Bergame à une grosse Tapisserie, qui se fabrique avec différentes sortes de matières filées, comme bourre de soie, laine, coton, chanvre, poil de bœuf, de vache, ou de chèvre. C'est proprement un tissu de toutes ces sortes de fils, dont celui de la Chaîne est ordinairement de chanvre, qui se manufacture sur le Métier, à peu près comme la Toile.

Où on en fabrique.
Rouen & Elbeuf, Villes de Normandie, fournissent une quantité considérable de Bergames de toutes les couleurs & nuances; les unes en façon de point de Hongrie; les autres à grandes barres, chargées de fleurs, d'Oiseaux, ou de diverses sortes d'Animaux; d'autres à grandes & petites barres unies, sans autre façon; & d'autres qu'on appelle Chine & Ecaille, parce qui imitent le Point de la Chine & les Ecailles de Poisson. Il s'en fait une sorte particuliaire à Rouen, qu'on nomme Tortin, à cause qu'il y entre de la laine torse. On en fait à Tournay encore une autre sorte, qu'on appelle Bergame à la Romaine, ou Bergame de Flandre, qui se fabrique par bandes & bordures, dont on fait des Tapisseries beaucoup plus estimées que celles de Rouen & d'Elbeuf.

Tapisserie de Cuir doré.
La Tapisserie de Cuir doré est faite d'un cuir, où sont représentées en relief diverses sortes de grotesques relevées d'or, d'argent, de vermillon, ou de différentes autres couleurs.
Cette Tapisserie est composée de plusieurs peaux de moutons passées en basanes, coupées en feuilles quarrées, qu'on a cousues les unes avec les autres, après leur avoir donné une nouvelle préparation, qui les a disposées à recevoir le relief, l'or, l'argent, les couleurs, & le vernis, dont les Ouvriers les enrichissent.

Où il s'en fait.
Il se fabrique beaucoup de ces Tapisseries en France, en Flandre, en Hollande. Quelques-uns prétendent que les Espagnols en sont les inventeurs.

Tapisseries de Tontures.
La Tapisserie de Tonture est faite de Laine qui se tire de dessus les Draps qu'on tond. Cette Tapisserie est toute ensemble une étofe sans chaîne ni fil de traverse, & une peinture faite sans pinceau : c'est un Coutil imprimé d'une couche de couleur en huile, sur lequel un dessine à la craye une figure. Après qu'on en a couvert quelques traits d'huile gommée, & pendant quelle est encore fraîche, l'Ouvrier qui a devant lui les dessein ou modèle qui le dirige, & des tamis pleins de Tontures de Drap, ou de Laines finement hachées, & de différentes couleurs, distribue sur chaque trait une pincée de Tonture de la couleur qui convient à cette partie de la figure. Le sage mélange des Tontures dans les passages des couleurs dégrade à propos chaque Teinte, & diversifie les nuances.
Cette espèce de Tapisserie s'est d'abord faite à Rouen, mais d'une manière grossière, ne s'y étant au commencement employé que des Toiles pour fond, sur lesquelles avec des Laines de diverses couleurs, hachées, & qu'on colloit dessus, on forme des desseins de brocatelles. Aujourd'hui, quand elles sont de bonne main, elles peuvent tromper au premier coup d'œil, & passer pour des Hautes-lisses.

Ses défauts.
Elles ont cependant deux défauts considérables, auxquels il n'est pas posible de remédier; l'un, qu'elles craignent extrêmement l'humidité, & qu'elles s'y gâtent en peu de temps; l'autre, qu'on qu'on ne les peut plier comme les Tapisseries ordinaires pour les serrer dans un garde-meubles, ou pour les transporter d'un lieu à un autre.

Tapisseries de Coutil.
On fait en Flandre une Tapisserie très noble, & très propre à remplacer l'indienne : c'est le Coutil de Bruges, qui est à fond bleu avec des paniers de grandes fleurs blanches. Le Chanvre & le Lin en sont la matière. Les Vers ne s'y mettent point; &, lorsqu'après trente ou quarante ans le bleu commence à se passer, on met la Tapisserie sur le pré : elle se blanchit, & on en fait de très belles nappes.

De Papier.
On fait en France une espèce de Tapisserie de Papier, qui n'avait longtemps servi qu'aux gens de campagne & au petit Peuple de Paris, pour orner & tapisser quelques endroits de leurs cabanes & de leurs boutiques; mais qu'on a poussé sur la fin du dix-septième siècle à un point de perfection & d'agrément, qu'outre les grands envois qui s'en font pour les païs étrangers, il n'est point de maison à Paris, pour magnifique qu'elle soit, qui n'ait quelque endroit qui n'en soit tapissé, & assez agréablement orné. Les grotesques & les compartiments mêlés de fleurs, de fruits, d'animaux, & de quelques petits personnages, ont jusques ici mieux réussi sur ces légères Tapisseries, que les païsages & les espèces de Hautes-lisses qu'on y a quelquefois voulu peindre.



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