ES DIFFÉRENTES SORTES DE PAPIERS DES ANCIENS.


Fabrication du papier ancien (Jan Luyken).

Papiers des Anciens.
Le Papier des Anciens était ou d'écorce d'arbres, ou de Peaux d'Animaux, ou d'une espèce particulière nommée Pugillares, c'est-à-dire, Planches ou Tablettes A ces Papiers succeda le Papier de Coton, & celui-ci fut remplacé par le Papier de Chiffon, qui est le Papier qu'on emploie aujourd'hui, & dont nous donnerons la description dans un autre article.

Papiers d'écorce de jonc.
La première espèce de ces Papiers était faite, à ce qu'on prétend, de ces écorces intérieures d'un jonc, qui croît sur les bords des endroits où se terminent les crûes du Nil. Ce Jonc ou Roseau, dont il y a dans Pline une description assez obscure, était couvert d'une écorce, qu'on préparait aisément, à l'aide d'une aiguille, en plusieurs feuilles très légères & très minces, sur lesquelles ont pouvait écrire; mais parce l'encre s'y imbibait aisaiment, & qu'elles étaient trop faibles pour durer longtemps, on s'avisa d'en coller plusieurs ensemble, de les mettre en presse & de les lisser.

Origine des noms de Cartons, Papiers, Bible, Livre.
Les Latins donnèrent à ces feuilles ainsi collées le nom de Carta, & de ce mot sont devenus ceux de Carte & de Carton. le mot de Papier vient du Grec Papyrus, qui signifie proprement ce Jonc d'Egypte dont nous venons de parler. Le nom de Bible est aussi un mot Grec, qui exprimait ordinairement la fine écorce des plantes. Celui de Livre vient du Latin Liber, qui finisait cette même écorce, & par lequel on designait ensuite un Ouvrage ou un Livre.

Papeterie d'Alexandrie.
La Papeterie la plus célèbre était à Alexandrie. On connais encore dans les Bibliothèques quelques fragments de cette espèce de Papier, & entre autre le fameux Manuscrit de St. Marc à Venise.

Comment on rend un Livre durable.
Quand on veut qu'un Livre, composé de ces cartons d'Egypte, fût plus durable, on lui donne du corps & un affermissement encor plus sûr, en y plaçant de loin à loin une des deux feuilles de Parchemin. Tel est le Recueil des Lettres de St. Augustin sur Papier d'Egypte qui se voit encore en très bon état à la Bibliothèque de St. Germain des Près.

Conjecture sur le Papier des Anciens.
Mr. Maillet prétend qu'on se serve du Papyrus, ou du Papier, non seulement pour écrire, mais qu'on en faisoit même des vases à boire, & qu'on en vendoit les feuilles pour servir d'assiettes & de plats. Il croit même , & il n'est pas le seul de ce sentiment, que le Papier des Anciens n'est autre chose que la plante appellée au Caire Figuier d'Adam, & à laquelle les Arabes donnent le nom de Mons. L'Arbrisseau qui porte ce nom , produit une espèce de Figues qui viennent en bouquet. Il a la cime lanugineuse, la tige assez haute, les feuilles de la longueur d'une aune & de la largeur de deux pieds : elles servent non seulement de plats & d'assiettes, mais même de napes dans le besoin. La description du Papyrus de Pline a bien quelque ressemblance avec celle du Figuier d'Adam de Mr. Maillet, mais pas autant qu'il en faut pour faire croire que ce soit la même plante.

Sentiment du Père Montfaucon.
Si l'on croit le Père Montfaucon, le Papyrus naît dans les eaux débordées du Nil, qui n'a pas plus de deux coudées de hauteur. Il jette de grosses racines, longues de dix coudées, & sa tige de forme triangulaire a quatre coudées au plus de hauteur. Cette plante se multiplie à tel point, que Cassiodore la compare à une Forêt; & l'usage en est presque aussi universel que l'est dans l'Amérique celui du Coco.

Papier Sacré & autres.
Le Papier qu'on en faisait s'appella d'abord Charta hieratica, ou Papier sacré, parce qu'il servait à écrire tout ce qui regardait le culte de Dieux. On l'appela dans la suite Charta Augusta, parce qu'on trouva à Rome une manière de le préparer beaucoup plus parfaite que celle d'Egypte. Le Papier de la féconde beauté fut appellé Livia : on en appella d'autres de divers noms, tirés des lieux où on les préparaient, comme le Saïtique, le Téniotique, ou plutôt le Thénéotique. Sous l'Empereur Claude l'Art fut extrêmement perfectionné, & il le fut encore davantage depuis.

Commerce du Papier d'Egypte.
Le commerce du Papier d'Egypte était si prodigieux , & le revenu en était si considérable, que le Tyran Firmus s'étant emparé de ce Pays, se vantait d'avoir assez de Papier & de colle pour nourrir son Armée.

Papier fait de Peaux. Origine du Parchemin.
Le Papier fait de Peaux de Bouc, de Moutons, ou d'autres Animaux, était connu sous le nom de Chartœ membranacœ. les Rois de Pergame, qui mirent fort en vogue cette façon d'écrire, firent donner à ces Peaux ou Membranes, le nom de Pergamène, d'où l'on a formé dans la suite celui de Parchemin. Ces Peaux, après quelques préparations, devenaient extrêmement lisses, & ajoutaient à la commodité de la blancheur, le mérite d'une longue durée.

Antiquité de l'usage d'écrire sur des Peaux.
L'usage d'écrire sur des Peaux est ancien, puisqu'Hérodote nous apprend que les Ioniens & autres Nations écrivaient sur des Peaux de Chèvres & de Moutons. L'Historien Joseph raporte que les Juifs présentèrent à Ptolémée leur Loi écrite en lettres d'or sur des Peaux. Varron & Pline se trompent donc, losrqu'ils disent que les Peaux furent mises en usage pour la première fois par Eumènes, Roi de Pergame, qui avait disent-ils, imaginé de s'en servir à cause de la défense que Ptolémée, Roi d'Egypte, avoir faite de laisser sortir le Papyrus de ses Etats.

Les Tablettes.
L'usage des Pugillares, qui étaient des espèces de planches ou Tablettes, est aussi fort ancien. Il en est parlé & dans Homère & dans Pline. On les faisait de toutes sortes de Bois, d'Ivoire, & de Peaux recouvertes de cire. Il y en avait de différentes couleurs.

Et comment on écrivait dessus.
Comme ces Tablettes étaient enduites de cire, il était facile d'écrire dessus avec la pointe d'un Stile, & du plat de cet instrument on pouvait sans peine effacer ou corriger. Elles étaient quelquefois d'or, d'argent, ou de cuivre; mais lors il fallait nécessairement un stile de fer pour écrire, ou pour y tailler les lettres. Elles n'avaient que deux, trois, cinq pages, ou plus; & delà vient qu'on les nommaient en Latin, duplices, triplices, quintiplices, multiplices.
Les Pugillares à deux ou trois pages, qui étaient recouvertes de cire, servaient uniquement dans les affaires communes; au-lieu qu'on destinait les autres pour les choses qui méritent d'être écrites sur les Chartœ ou Membranœ; & les Grecs les nomment quelquefois Chartœ Palimpsestœ parce qu'on pouvait effacer les lettres qu'on avait écrites.

Le Papier de Coton.
Au Papier d'Egypte succeda le Papier de Coton, appellé Carta bambycina, golsypina, cuttonea, dont il n'est pas aisé de fixer l'époque. On peut cependant conjecturer qu'il fut inventé au neuvième siècle, ou, pour le plus tard, au dizième. Dès la fin du onzième siècle, l'usage en ait répandu dans l'Empire d'Orient. Ce Papier se faisait avec du Coton broyé & réduit en bouillie, puis séché dans des formes, où il prenait la consistance d'une légère feuille de feutre.

Le Papier de Chifon, aujourd'hui en usage.
Le Papier de Chifon, qui est celui dont nous nous servons aujourd'hui, & dont nous parlerons ci-après, fit tomber le Papier de Coton, de même que celui-ci avait fait tomber celui d'Egypte.



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