ISTOIRE DE L'IMPRIMERIE, & DE LA MANIÈRE DONT CET ART S'ÉXÉCUTE.


Ouvrier typographe, la casse, les caractères, & différents outils. (Larousse universel)

Ce que c'est que l'Imprimerie.
L'Imprimerie, cet Art si utile aux Sciences & aux Savants, est une manière d'écrire, qui s'éxécute avec des caractères mobiles, c'est-à-dire, avec des chevilles de fonte, ou de petites lames de métal, terminées par des Lettres & autres marques saillantes. Ces lames rangées sur un chassis, serrées l'une contre l'autre, & ne présentant au dehors que leur figures de relief, ne recoivent que sur ces figures l'encre épaisse & gluante dont on les a frottées.

Son avantage.
L'avantage de cette sorte d'écriture est de présenter à l'œil un caractère plus régulier & mieux nourri que celui de l'écriture courante. Elle donne aussi la commodité de multiplier promptement les Copies d'une même Pièce, & d'employer des lettres, qui étant ensuite séparées & mises en réserve dans leurs loges, peuvent servir plusieurs fois, & à des Ouvrages différents.

Temps de son invention.
L'Imprimerie n'a été connue en Europe que vers l'an 1440, ou quelques années après (Quelque-uns prétendent qu'on ne doit fixer son véritable établissement qu'en 1450, comme l'a prouvé Mr l'Abbé Salier dans une Assemblée de l'Académie des Inscriptions tenue à Paris en Avril 1739).

J.Guttemberg en est l'inventeur.
On en attribue l'invention à Jean Guttemberg, autrement Gensfleifch, ou Jean Zumjungen de Guttemberg, natif de Strasbourg & Bourgeois de Mayence, selon quelques-uns, ou natif de Mayence & Bourgeois de Strasbourg, selon d'autres; simple Domestique, selon quelques-uns, Orfèvre selon d'autres, mais Gentilhomme, selon plusieurs, & de l'ancienne Famille de Zumjungen, qui avait un Hôtel de ce nom dans Mayence, & une espèce de Palais nommé Guttemberg dans le voisinage de cette Ville.

Il se rend de Strasbourg à Mayence.
Ce fut à Strasbourg que Guttemberg inventa l'Imprimerie, mais s'étant rendu à Mayence, il la perfectionna dans cette dernière Ville. L'Auteur d'un Poême, fait à la louange de l'Imprimerie, prétend que l'empreinte du Cachet de Guttemberg, & un Pressoir à vin lui donnèrent la première idée de cet Art.

Ses associés, Fust & Meydenbach.
Guttemberg ayant dépensé presque tout ses biens à des tentatives inutiles, se vit obligé d'entrer en société avec quelques riches Bourgeois de Mayence. Les seuls qu'on connais, sont Jean Medinbach ou Meydenbach, & Jean Fust. Ce dernier était Orfèvre, & d'une très bonne Famille, originaire d'Afchaffenbourg.

Autres associé, Schoeffer, ou Opilio.
Un des Domestiques de Fust ayant pénétré quelque chose du secret, fut admis dans la Société, & devint ensuite Gendre de son Maître. Il s'appelait Pierre Schoeffer, ou Schoiffer, en Latin Opilio, ce qui en Français signifie Berger. Il était natif de Gernsheim, dans le Landgraviat de Darmftad, & Clerc du Diocèse de Mayence.

Les Historiens qui ont parlé de cette fameuse Société, se contentent de rapporter le nom de Maydenbach, sans entrer dans aucun détail de ce dont cet Art lui est redevable : ils donnent toute la gloire de l'invention & de la perfection aux trois autres, Guttemberg, Fust, & Shoeffer. On ignore la raison de ce silence. Il cependant à Mayence en 1491, un Ouvrage considérable, sous le nom seul de Jacques Meydenbach, qui doit être le Fils ou Parent de Jean Mayenbach. Le Livre qu'il imprima est intitulé Hortus Sanitatis, lequel avait déjà paru à Augsbourg en 1486 & 1488.

Ouvrages imprimés à Mayence.
A force de travailler nos associés parvinrent à imprimer à Mayence non seulement un Alphabet & un Donat, mais encore une compilation de Grammaire, de Rhétorique & de Poétique, suivie d'un ample Dictionnaire, & intitulé Catholicon Jobannis Januensis.

Et de quelle manière.
La manière dont ils s'y prirent, était encore bien éloignée de la perfection où ils portèrent ensuite cet Art. Ce n'était que de simples Planches de bois gravées, dont l'usage devait être fort incommode & peu utile. D'abord ils s'avisèrent, à ce que quelques-uns prétendent, de rompre leurs Planches, & d'en conserver les caractères séparément; ceux qui étaient remplacés par d'autres de plomb, d'étain & de cuivre, qu'ils façonnaient avec la main.

Mr. Marchand pense, que des Planches de bois, nos Associés parvinrent tout d'un coup à fondre des caractères. Il en rend deux raisons. La première, qu'il est impossible d'imprimer avec des caractères de bois séparés; l'effort de la presse les ferait rompre. La seconde, qu'il leur aurait fallu un temps bien long pour façonner à la main des caractères de plomb, d'étain, ou de cuivre.

Schoeffer perfectionne cet Art.
Ce fut Schoeffer qui s'avisa le premier de fondre des caractères. Il tailla des poinçons, frappa des matrices, fabriqua & justifia des moules, & fondit ainsi des lettres mobiles & séparées, dont il pût à son gré composer les mots, les lignes, & les pages entières dont il aurait besoin. Fust, chargé d'un Alphabet complet que Schoeffer lui présenta, crut ne pouvoir mieux le récompenser, qu'en lui donnant sa Fille en mariage.

Premiers Ouvrages avec des lettres mobiles.
C'est donc à Schoeffer que nous sommes redevables de la véritable imprimerie. Le premier Ouvrage dont ces Associés entreprirent l'impression, avec ces nouveaux caractères, fut une Bible Latine. Cette édition se fit, ou peut-être se commença seulement en 1450; & elle leur couta des sommes immenses. Quelques-uns prétendent que nos Artistes imprimèrent ensuite le Catholicom Johannis Januensis. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'un Exemplaire de cet Ouvrage, qui s'est conservé jusqu'à présent, a une si grande ressemblance avec la Bible Latine que Fust & Schoeffer imprimèrent en 1462, qu'on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'il est sorti de leur Presse vers le même temps.

Fust accusé de Magie à Paris.
On prétend que Fust ayant porté quantité d'Exemplaires de la Bible à Paris, fut d'abord accusé de mauvaise foi, ensuite soupçonné de Magie, poursuivi par ordre de la Cour, & enfin obligé, pour garantir sa vie, de prendre la fuite.

Ces Editions sans nom de Villes, ni d'Imprimeurs.
On ne voit à ces premières Editions, ni le nom de la Ville où elles ont été faites, ni celui de leurs Imprimeurs. Ils en usoient de la sorte pour mieux cacher leur nouvelle invention.

Les Associés se divisent.
L'intérêt ayant divisé les Membres de cette Société, il y eut un Procès, le secret fut divulgué, & ils se séparèrent vers la fin de l'an 1455.

Guttemberg s'établit à Harlem.
Guttemberg, qui avait été condamné, quitta alors Mayence, alla s'établir à Strasbourg, d'où il passa à Harlem en 1459. Après quelques années de séjour en Hollande, il retourna à Mayence, puisqu'il est prouvé qu'en 1465 il était au service de l'Electeur Adolphe de Nassau. Il mourut avant le 24 février 1468. On ne connaît aujourd'hui aucune des éditions de Guttemberg, peut-être parce qu'elles ont été perdues, ou qu'il a négligé d'y mettre son nom.

L'Imprimerie s'établit en Angleterre.
Guttemberg était encore à Harlem, lorsque Thomas Bourchier, Chancelier de l'Université d'Oxford, & Archévêque de Canterbery, envoya en Hollande Robert Tournour, Valet de la Garde-robe de Henti VI, & Guillaume Caxton, alors Commerçant, pour chercher à attirer en Angleterre quelques-uns des Ouvriers de cet Imprimeur. Ils réussirent à gagner un nommé Frédéric de Corcelles, qu'ils emmenèrent avec eux, & qu'ils établirent à Oxford. Mais Mr. Conyers Midleton prétend que l'imprimerie fut premierement introduite & exercée par Guillaume Caxton à Westminster, & non par un Imprimeur étranger à Oxford.

Ouvrages imprimés par Fust & Schoeffer.
Après la séparation dont on vient de parler, Fust & Schoeffer continuèrent à imprimer à Mayence divers Ouvrages, auxquels ils mirent leurs noms, en déclarant en même temps la manière dont ils s'y prenaient.

Le premier Livre connu, dans lequel ils firent cette déclaration, est un Psautier imprimé en 1457, & où l'on voit les noms de Fust & de Schoeffer. Les offices de Cicéron, dont l'impression fut achevée le 4 Février 1466, sont le dernier Ouvrage dans lequel on trouve le nom de Fust.

Toutes les Editions connues, qui sont sorties de la Presse des Inventeurs de l'Imprimerie, se réduisent à 19. Les trois premières furent faites avec des planches de bois, & les deux suivantes avec des caractères mobiles.

Idée de leurs Editions
On ne voit dans toutes ces Editions, ni Chiffre de pages, ni Signatures, ni titre général, ni titre courant au dessus des pages, ni Epitre dédicatoire, ni Avertissement, ni Préface, ni Lettres capitales, toutes celles qu'on y voit étant faites à la main avec de l'azur & du carmin. Leur ponctuation ne consiste, dans les unes, que dans le seul & unique point, & dans les autres que dans le point, les deux points & le point interrogeant. Ces impressions sont toutes d'un caractère passablement beau, & si semblable à l'écriture de ce temps-là qu'il était fort aisé de s'y tromper. C'est une espèce de demi-Gothique, que les Elèves de Fust & de Schoeffer portèrent dans la plupart des endroits, où ils établirent l'imprimerie, mais auquel on subsistua en 1469 ce beau Romain, employé premièrement par Jean & Vendelin de Spire, & par les autres habiles Imprimeurs de Venise, ce qui lui fait donner le nom de Venitien, & qui après une longue interruption dans Venise même, est enfin devenu le dominant dans toute l'Europe. En 1471, on employait le Gothique, introduit par les premiers Imprimeurs de Strasbourg, lequel se répandit bientôt au long & au large, & n'a que trop longtemps deshonoré les plus belles & les meilleurs Imprimeries. Trente ans après, Alde-Manuce inventa l'Italique ou le Coursif, qui a été assez en vogue dans le XVI siècle. Toutes ces Impressions sont faites sur de bon papier, généralement un peu bis, mais d'une épaisseur & d'une force extraordinaire. A la fin de la plupart de ces Editions, & justement au dessous des souscriptions, on voit les Marques ou les Armes de Fust & de Schoeffer.

L'Imprimerie portée en divers lieux.
Les Allemands, qui avaient travaillé dans les Imprimeries de Guttemberg, de Fust & de Schoeffer, portèrent en peu de temps leur Art dans plusieurs Villes de l'Europe. A la fin du XV siècle on pouvait compter 187 Imprimeries.

Et dans quel ordre.
Voici à peu près l'ordre dans lequel l'Art de l'imprimerie passa dans les principales parties de l'Europe. Il paraît qu'il s'introduisit d'abord en Italie.

En 1465, on imprima in folio, dans l'Abbaye de Soubiac, un Livre de Laêtance.

En 1466, Jean Mentell donna à Strasbourg une Bible Allemande in folio.

En 1468, on vit paraître à Oxford un Ouvrage de St. Jerôme.

En 1470, on imprima à Paris in folio, Gasparini Pergamensis Epostoloe. Tous les Ecrivains Français, qui ont traité de l'Imprimerie, conviennent qu'elle ne fut établie en France qu'à la fin de l'an 1469, ou au commencement de 1470. Mais Mr. Mettaire prétend que cet Art florissait à Tours dès 1467. Mais Mr. de Foncemagne a réfuté les raisons sur lequelles il se fonde.

En 1473, Gerard de Leeuw imprima in folio à Tergou, Jacobi de Voragine, de Guilden leggende in Duitfcb vertaalt. C'est la première Edition connue des XVII Provinces; car on ne connaît aucune de celles que Guttemberg fit pendant son séjour à Harleme.

En 1473, André Heff publia à Bade, Historia Hungarica, &c. folio.

En 1474, Bernard Richel imprima à Bâle Theodorici von Bockdorff, Concordantie uber des Sacbfen-Spiegel, folio.

En 1474, on imprima à Lyon le Livre de Baudoin, Comte de Flandres, &c.

En 1475, parurent à Casbel (Cassellarum Oppidum), Archévéché d'Irlande , Pantaleonis vitæ Sanetorum, ilprimées par Jean Fabri.

En 1478, on acheva d'imprimer à Genève le 23 Mars le Livre des Saints Anges de François Ximenès, Evêque d'Elme ou de Perpignan, qu'il avait composé en 1392.

En 1479, on publia in folio à Solonichi le More Nevocbim de Maimonides.

En 1483, Jean Snell publia à Stockholm, in quarto, le Dialogus Creaturarum moralifatus.

En 1486, parût à Messine, in folio, l'Historia preliorum Alexandri Magni.

En 1488, on imprima à Constantinople, in folio, un Lexicon Hebreu, intitulé Mikré Dardeki.

En 1489, on imprima en Bohême, in folio, la Biblia Bobemica.

En 1489, furent imprimés à Lisbonne, in folio, les Commentaires de Rabbi Moscbis Nacbmanidis.

Cet Art fut connu un peu plus tard en Danemark & en Pologne.

En 1493, on imprima à Coppenhague Regulæ emendatæ correctæque Hasnyæ de figuratis Construetionibus grammaticis ex diversis passibus sacræ Scriptuæ, ac Pœtarum.

Editions Grecques.
Ce fut en 1481, & peut-être dès l'an 1476, qu'on fit fondre en Italie des Caractères Grecs, & ce fut là qu'on vit les premières Editions en cette Langue. Ce ne fut qu'en 1507 que l'Imprimerie Grecque fut établie à Paris par les soins du savant François Tissart de la Ville d'Amboise.

Hébraïques.
Les Impressions en Langue & en Caractères Hébraïques parurent aussi en Italie pour la première fois presque dans le même temps que les Grecques.

Description de l'Art de l'Imprimerie.
Comme une description complète de l'Art de l'Imprimerie demande de longs détails, nous nous bornerons à faire sur cet Art quelques remarques qui pourront donner une légère idée de la manière dont il s'execute.

Les principaux Ouvriers qui travaillent à l'Imprimerie sont les Compositeurs ou Composteurs, & les Imprimeurs.

Fonctions des Compositeurs.
Les Compositeurs sont ceux qui arrangent & placent les lettres sur les formes, en les mettant en état d'être employées à la Presse.

Les Imprimeurs sont ceux qui font rouler la Presse, qui noircissent les formes avec l'Encre d'Imprimerie, & qui tirent les feuilles imprimées.

L'Ouvrage se commence par le Compositeur, c'est lui, ou un Aprentis, qui place les Caractères dans les Cassetins ou division de la Casse qui leur convient.

La Casse est un tiroir, divisé par Carreaux qui s'appellent Cassetins; & l'on nomme Casseau chacune des moitiés de la Casse, en la coupant dans sa longueur. C'est dans ces Casses que se mettent les lettres, les caractères, les points, les guillemets, &c.

Lorsque le Compositeur veut travailler il prend d'une main le Compositoire, & de l'autre les lettres, les points, &c. & en forme sur le Compositoire les mots & les lignes, qu'il met, à mesure que chacune est achevée, sur la Galée.

Le Compositoire est une tringle de cuivre, de fer, ou de bois, plus ou moins longue et large, qui a tout le long par le bas un petit rebord qui sert à soutenir les lettres qu'on arrange. Deux pièces mobiles s'avancent & se reculent le long de la Tringle au gré du Compositeur.

La Galée est un instrument de bois plat, & de forme quarrée-longue , de longueur & de largeur à discrétion, mais telles au moins qu'elles puissent contenir la quantité de lignes qui doivent composer chaque page. Pour se former une juste idée de la manière dont la Galée est disposée & construite, il faut la voir: d'ailleurs, les bornes que nous nous sommes prescrites, ne nous permettent pas d'en donner une description complète.

Le Compositeur a devant lui sa Copie sur un petit Chevalet, qu'on appelle Visorium, & à mesure qu'il a arrangé une ligne sur son Compositoire, il l'enlève avec une règle de bois, qu'on nomme la Réglette, & la place sur la Galée, de manière que toutes les lignes, au nombre convenable à chaque format, puissent composer une page.

Chaque page composée, bien liée & serrée, se met à part, & lorsque le nombre des pages qu'il faut suivant le format, se trouve achevé, on les porte sur le marbre, qui est ou une pierre de liais bien polie, ou un ais de noyer bien uni, afin de les ranger & garnir; après quoi elles se mettent dans le Chassis qui leur convient. Cela s'appelle imposer & imposition.

Ces Chassis sont de fer & de plusieurs sortes. Les uns, qu'on nomme des ramettes, ne sont pas barrées au milieu. Les autres sont séparées au milieu par une barre, mais différente. Pour garnir les pages, & les arrêter dans leurs Chassis, on se sert de morceaux de bois, qui se serrent avec d'autres plus petits, coupés en forme de coins, qui se chassent avec un cognoir de bois. Le vuide des citations, de tout ce qui se met en marge, &c. se remplit de morceaux de bois qu'on nomme Quadrats, ou bois d'Addition.

Lorsque l'ouvrage est serré, on lui donne le nom de Forme, qui contient plus ou moins de pages, suivant le Format : une seule, quand ce sont des Ramettes; 2 pour l'in folio, 4 pour l'in quarto, &c. Comme il faut deux Formes pour chaque feuille, quand on l'imprime des deux côtés, il est nécessaire qu'elles soient de la même hauteur & largeur. C'est là que finit la fonction du Composiyeur; ce qu'on nomme, en terme de l'Art, Composition finie.

Fonctions des Imprimeurs.
La Forme achevée se met entre les mains de l'Imprimeur, pour en tirer les premières épreuves. Mais comme il s'y trouve ordinairement plusieurs fautes, lorsque l'Epreuve a été lue & corrigée, une, deux ou trois fois, par un Correcteur, on la porte chaque fois au Compositeur, qui corrige ou remanie pareillement la Forme, avec une espèce de poinçon, à l'aide duquel il retire les maivaises lettres, & en remet de convenables à la place. Quand il y a peu à reformer, cela s'appelle corriger; & quand il y a beaucoup à changer, cela se nomme remanier. Le reste de l'Ouvrage appartient à l'Imprimeur, qui l'achève de la manière suivante.

Pour imprimer & se servir de la Forme préparée par le Compositeur, il faut du Papier, de l'Encre,& une Presse.

Le Papier.
Le Papier se mouille d'une certaine façon, plus ou moins, suivant sa force & sa qualité, ou suivant celle des caractères.

L'Encre des Imprimeurs est de deux sortes, la rouge & la noire.

Encre rouge.
L'Encre rouge, qu'on nomme ordinairement Rosette, s'emploie souvent dans la première page, qui est comme le frontispice des grands Ouvrages, où elle fait un effet assez agréable. Elle sert aussi beaucoup à faire ce qu'on appelle les Rubriques dans les Livres d'Eglise à l'usage des Catholiques Romains.

Encre noire.
L'Encre noire, semblable à une bouillie, est composée d'huile, & de noir de fumée, & sert à imprimer presque généralement & entièrement tous les Livres, on a perdu l'usage de la Rosette, à moins que ce ne soit dans la première page.

L'Encre se donne forte ou faible, suivant la force ou la faiblesse du Papier; forte pour le Papier fort, & faible pour les Papier faible. La manière dont l'Encre se donne, demande des détails où ne saurions entrer.


Machines pour l'Imprimerie.
Nous ne dirons non plus presque rien de la Presse d'Imprimerie, parce que cette Machine est trop composée pour pouvoir en donner ici la description.

Ses deux principales parties, qui en ont chacune un grand nombre d'autres, sont le Corps & le Berceau de la Presse.

On distingue dans le Corps de la Presse, deux Jumelles ou pièces de bois quarrées, dressées perpendiculairement, & parallèles l'une à l'autre; trois autres pièces ou traverses aussi de bois, qu'on appelle Sommiers ; une Vis avec son Ecrou ; un Arbre, enfermé dans une boîte de bois ; une Platine, ordinairement de fer ou de cuivre, de grandeur convenable pour couvrir quelque sorte de forme qu'on puisse mettre dessous. La Grenouille, le Pivot & la Crapaudine, sont trois petites pièces qui se trouvent entre l'Arbre & la Platine.

Le Berceau, qui est la seconde pièce principale de la Machine qui sert à l'Imprimerie, est attaché au devant du Corps de la Presse. C'est une espèce de grand Chassis de bois, qui sert à soutenir & à faire mouvoir le Train de la Presse.

Le Train de la Presse est l'endroit où se posent les Formes. Il est composé d'une Table de bois, & de diverses autres pièces.

Le Coffre est au milieu de la Table. C'est un Chassis de bois dans lequel est enfermé le Marbre ou la Pierre polie sur laquelle on place la Forme. C'est au Coffre que sont attachées les Cordes qu'on nomme les Vaches, & qui empêchent que le Train ne revienne trop sur le devant quand on le retire de dessous la Platine.

Quatre équerres, qu'on appelle Cornières, parce qu'elles sont placées aux quatres angles ou cornes du Coffre, servent à y affermir la Forme par le moyen de quelques coins de bois.

Sur le devant du Coffre sont placés les deux Timpans & la Frisquette, qui sont trois Chassis, servant à différents usages.

Les deux Timpans sont couverts de Parchemin. Celui qu'on appelle le grand Timpan est attaché au Coffre. C'est sur le Parchemin du grand Timpan que s'étend la feuille blanche qu'in veut imprimer.

Tout étant préparé dans les Timpans pour imprimer, l'Imprimeur baisse les Timpans & la Frisquette dessus la Forme noircie; & avançant le Train sous la Platine par le moyen d'une manivelle, il donne deux coups d'un Barreau qui sert à faire hausser ou baisser l'Arbre de la Presse, & avec la même Manivelle, qu'il tourne à contre-sens, il retire le Train pour ôter la feuille imprimée, & en mettre une blanche; ce qu'il réitère jusqu'à ce qu'il ait tiré le nombre de feuilles dont l'édition doit être composée.

Lorsqu'un côté de la feuille est imprimée, on la met en rétiration, c'est-à-dire, qu'on l'Imprime de l'autre côté. Quand le nombre des feuilles est complet, & qu'on veut rompre la Forme, pour en remettre les Caractères dans la Casse, on la lave dans une lessive, & on la décrasse avec une brosse. Elle se porte ensuite sur des ais, pour la desserrer & en ôter la garniture. Lorsque les Lettres sont bien lavées, le Compositeur en enlève plusieurs lignes à la fois, qu'il place chacune dans le Cassetin qui lui est propre, pour continuer à s'en servir jusqu'à la fin de l'Impression du Livre; ce qui s'appelle distribution.

Divers Caractères.
Les Imprimeurs donnent aux Caractères dont ils se servent, différents noms, afin d'en distinguer la figure ou la grosseur.

Vignettes.
Les Vignettes sont des ornements, en forme de barres longues & étroites, qui servent à les Livres & les Chapitres de l'Ouvrage qu'on imprime. Il y en a de plusieurs sortes.

Culs-de-lampe.
Les Culs-de-lampe sont d'autres ornements, qui se mettent ou à la fin des Livres, ou en d'autres endroits qui finissent entièrement quelque matière dans un Ouvrage.

Lettres initiales.
Les Lettres initiales sont de grandes lettres gravées en bois : il y en a aussi de fondues comme les Caractères, mais plus petites que celles de bois.

Dans les Ouvrages importants, & qu'on veut orner, on fait graver les Vignettes, les lettres initiales, & les culs-de-lampe en cuivre, & on y représente des choses convenables au sujet des Livres.

Signatures.
On donne le nom de Signatures aux lettres alphabétiques qu'on met au bas des feuilles, & qui servent à justifier si les Cahiers sont entiers, & quel ordre ils doivent avoir en les reliant.

Réclames.
Les Réclames sont les premiers mots de la page, qu'on imprime au bas de la page précédente. Elles servent à faire connaître la suite des pages.

Chiffres.
On met en haut de chaque page des Chiffres, soit pour trouver plus facilement les renvois des Tables, quand il y en a, soit pour assurer davantage la collation & la reliure des Livres.

Errata.
L'Errata est une table qui contient les fautes survenues dans l'impression. Les premières Editions n'en avaient point; on corrigeait seulement avec la plume les fautes dans chaque copie imprimée. Dès 1478 on a presque toujours mis un Errata à la fin des Livres, & quelquefois au commencement.

Temps de l'invention de l'Imprimerie de la Chine.
L'Art d'imprimer des Livres était connu à la Chine longtemps auparavent qu'on connût en Europe le nom même de l'Imprimerie. Quelques-uns prétendent que cette invention Chinoise précède la naissance de Jésus-Christ d'environ 300 ans. D'autres la fixe au 9ème siècle; et quelques-uns la reculent d'un grand nombre de siècles, en la faisant naître presque en même temps que ce fameux Empire. Mais cette dernière opinion est la moins probable & la moins suivie.

Ce que c'est que cette Imprimerie.
L'Imprimerie Chinoise diffère extrêment de l'Imprimerie Européenne. La première n'emploie que des Planches de bois gravées, qu'il faut renouveller pour chaque page des Livre; la seconde se sert de caractères de métal, qui sont mobiles, & dont on peut composer une infinité de différents Volumes.

Ces Planches dont se servent les Chinois, sont d'un bois très uni, raisonnablement épaisses, & de la grandeur du Format qu'on veut donner à l'Edition. Lorsque ces Planches sont préparées, on y colle un Papier sur lequel un habile Ecrivain trace à la Plume Chinoise, qui est une espèce de Pinceau, les différents caractères dont chaque page doit être composée.

De cette première partie de l'Ouvrage, dépend le succès de Livre. Chaque Planche passe ensuite dans les mains du Graveur, qui, avec ses Burins, ses Echopes, & d'autres petits instruments d'acier, fait paraître en relief sur le bois tous les traits que l'Ecrivain a tracé sur le Papier. Quand la gravure est achevée, on humecte légèrement ce qui reste de ce Papier, & on l'enlève de dessus la Planche en la frottant doucement avec la main.

Encre des Chinois.
L'Encre pour l'Impression des Chinois n'est pas différente de celle dont ils se servent communément.

Leur Presse.
Leur Presse ressemble assez à celle des Imprimeurs en taille-douce d'Europe.

Leur Papier.
Leur Papier est inférieur à celui d'Europe. On le fait avec la seconde écorce de quelques Roseaux, & le plus souvent du Bambou, qu'on broie & qu'on paîtrit avec de l'eau, & qu'on dresse ensuite dans des moules assez semblables aux moules d'Europe.



 L'encre & l'écriture      La gravure