E LA FONDERIE & DU LAMINAGE DU PLOMB.

Ce que c'est que le Plomb & ses usages.
Le plomb est un Métal molasse, ductile, fort pesant, livide, qui rend un son très obscur & se fond promptement au feu. Il s'emploie à un très grand nombre d'usages. Mis en lame, soit par la fonte, soit par l'invention du laminoir, il sert à façonner des Canaux & des Vases, à donner l'écoulement aux eaux, à en former des réservoirs, à conserver les murs, les terrasses, les charpentes. On en couvre les plateformes, les balcons; on en fait des statues & des ornements d'Architecture. Les Vitriers, les Bimblotiers, les Chaudronniers, les Potiers d'étain & de terre, les Balançiers, & autres Ouvriers en font une consommation prodigieuse.

Instruments pour travailler le Plomb.
On se sert de quantité d'Outils, d'Instruments, & même de quelques Machines pour fondre, couler, souder, & travailler le Plomb.

Pour fondre & couler le Plomb, il faut une Fosse ou Fourneau à fondre, un Moule avec ses Trétaux, pour le jetter en grandes Tables, un autre Moule pour les petites Tables, une Poele de fer à verser le Plomb, une Cuillière à puiser, une autre Cuillière percée, & des Rables pour les grandes & petites Tables. Pour travailler ces Tables, soit en Tuyaux, soit en Cuvettes, &c. les Plombiers ont encore d'autres Instrumets, un Niveau, des Compas, un Marteau, des Maillets, des Serpes, des Couteaux, des Grattoirs, &c.

Manière de fondre & couler le Plomb.
Lorsqu'on veut fondre & couler de grandes Tables de Plomb, on met le Plomb, destiné à cet usage, en fusion dans une Fosse maçonnée. Au bas de cette Fosse ou Chaudière est un endroit plus enfoncé, où se place une Poele ou Marmite pour recevoir le culot de Plomb, ou ce qui peut rester de ce Métal quand la Table est coulée.

Quand on veut se servir de cette Fosse on l'échaufe avec de bonnes braises, & on y jette le Plomb pêle-mêle avec du charbon ardent. Près de la Fosse est la Table ou le Moule sur lequel le Plomb doit se jetter. La largeur ordinaire des Tables est de 3 à 4 pieds; leur longueur de 18 à 20 pieds. Autour de la Table règne une espèce de Chassis ou Bordure, d'un pouce ou deux d'élèvation au dessus de la Table.

Sur la Table est du Sable très fin, qu'on rend uni & égal. Au dessus de la Table est le Rable, qui porte sur les bords du Chassis, qu'on appelle les Eponges. Ce Rable sert à pousser le Métal encore liquide jusqu'au bout du Moule. Au haut de la Table est une Poele de fer triangulaire, qui n'a des bords que par derrière & aux côtés, & qui pose par devant sur la Table; il y a de ces Poeles qui peuvent recevoir 15 & 1600 livres de Plomb, & plus.

Tout étant ainsi disposé, on puise avec une grande Cuillière de fer dans la Fosse, le métal pêle-Mêle avec le Charbon, pour en remplir la poêle triangulaire; & lorsqu'elle en est pleine, on en ôte le Charbon, & on nétoye le Plomb avec une autre cuillière de fer percée en forme d'Ecumoire. Cela fait, on lève la queue de la Poêle, & le Métal liquide se répandant sur le Moule, le Plombier le conduit & le pousse jusqu'au bout avec le Rable posé de champ sur les Eponges, ce qui le rend partout d'une égale épaisseur.

Ce que c'est que laminer le Plomb.
Il y a diverses manières de laminer le Plomb, c'est-à-dire, de le réduire, à l'aide d'une forte compression, en lames minces, pour les divers usages auxquels on le destine.

Ancienne manière de l'applanir.
La plus usitée jusqu'ici a été de le fondre & de le forger, de l'applanir à coup de marteau, ce qui ne vaut pas grand chose.

Mémoire de Mr. Rémond sur le laminage.
Mr. Rémond, de la Société des Arts, a publié dans un Mémoire sur le laminage du Plomb (a), Une nouvelle invention très ingénieuse, et d'un usage très commode & très avantageux.

Invention de sa façon.
Cette invention consiste à faire passer & repasser le Plomb entre deux gros cylindres de fer fondu, qui le forcent de s'allonger en s'amincissant, à peu près comme les Moulins à sucre expriment le suc des Cannes qui le contiennent, en les écrasant, ou comme dans les Monnaies on émince & on allonge les autres Métaux.

Excellence de son laminoir, & de sa description.
L'excellence de cette Machine, ou nouveau Laminoir, consiste dans son effet, & dans l'uniformité du travail des Chevaux, pendant que la Machine marche alternativement dans des sens contraires. L'effet est d'amincir une Table de Plomb d'un pouce & demi d'épaisseur, jusqu'à lui donner dix-sept fois six pieds & plus de long, si on la réduit à une ligne, & à lui donner beaucoup plus en longueur, si on juge à propos de la rendre aussi mince qu'une feuille de papier, sa largeur étant toujours la même. Cette Table s'allonge & se coupe à proportion de son allongement sur un Châssis de cinquante pieds, dont elle parcourt vingt cinq en un sens, & vingt cinq en un autre, en allant et venant au travers de deux forts cylindres de métal, qui tournent dans un sens , jusqu'à ce que la lame arrive à la fin; puis tournent dans un autre pour la ramener, les Chevaux & le manège allant toujours un train uniforme.

Avantage du Plomb réduit en lames par le Laminoir.
Le Plomb ainsi réduit en lames à l'aide de cette Machine de Mr. Rémond sur le Plomb simplement coulé en Tables, ou applati à coup de marteau, a plusieurs avantages. 1. L'usage du Plomb laminé fait en général l'épargne d'un grand tiers. 2. La parfaite égalité du Plomb passé au Laminoir le rend plus solide, parce que le principe de sa force est dans l'égalité des parties. 3. On ne se trouve pas dans la nécessité de réparer après coup les fautes, cassures, & inégalités du Plomb coulé. 4. Le Laminoir rend le Plomb plus malléable & plus propre à prendre toutes sortes de formes & de contours, que le Plomb coulé ne peut souffrir sans être altéré, parce qu'il est roide & cassant par une suite nécessaire de ses inégalités. 5. Il y a moins de soudure à employer dans le Plomb laminé, parce qu'il est & plus long & plus large. 6. Il est très supérieur pour les Tuyaux & les conduits d'eau, sa surface étant extrêmement unie & polie. 7. Sa parfaite égalité d'épaisseur établit un poids certain, au pied quarré, toujours invariablement relatif à son épaisseur.


(a) C'est une Brochure de 46 pages in 4. imprimée à Paris chez P. Prault en 1731.





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