E LA FABRIQUE DES AIGUILLES.


La fabrique des aiguilles (Jan Luyken).

Combien la fabrique des Aiguilles est curieuse.
La fabrique des Aiguilles est extrêmement curieuse. On ne saurait d'ailleurs revenir de sa surprise du grand marché de cette marchandise, quand on considère le nombre prodigieux de façons qu'il leur faut donner, avant qu'elles ayent acquis leur dernier degré de perfection.

Comment elles se font.
Pour donner une légère idée de cette fabrique, nous nous contenterons d'en indiquer les principales opérations. L'Acier d'Allemagne & de Hongrie est le meilleur pour cette fabrique. D'abord on le fait passer par le feu, & sous le marteau, pour lui donner la forme de Cylindre ou de Lingot.

Ce Lingot formé, on le dégrossit, on le fait passer par un gros trou de filière; ensuite on le remet au feu, pour le faire passer par un gros trou filière plus petit que le précédent, & ainsi successivement de trou en trou, toujours de plus en plus petit , jusqu'à ce qu'il soit parvenu au point de finesse qu'on veut lui donner, par rapport aux espèces d'aiguilles que l'on en veut faire. C'est un fil d'Archal plus ou moins menu.

Ce fil est coupé par petits morceaux, de la longueur des Aiguilles qu'on veut former: on les aplatit par un des bouts sur une enclume pour en former la tête; ce qui s'appelle palmer l'Aiguille.

Ces morceaux palmés sont mis au feu pour les amollir, puis percés sur une enclume avec un poinçon. Cela s'appelle percer l'Aiguille.

Les Aiguilles ainsi percées, on les fait passer les une après les autres sur un bloc de plomb, pour faire sortir avec un autre poinçon les petits morceaux d'acier restés dans les têtes, & qui en bouchent les trous; ce qui se nomme troquer l'Aiguille.

Cela fait, on lime la tête pour l'arrondir; ce qui s'appelle évider Aiguille.

On fait ensuite avec la lime, la canelle ou la railette de l'Aiguille, qui est cette petite cavité ou canelure, qui se voit de chaque côté du plat de la tête.

La canelle faite, on forme la pointe avec la lime; ce qui se nomme pointer l'Aiguille.

L'Ouvrier les marque ensuite de son poinçon, puis les dresse avec la lime; ce qui s'appelle dresser les Aiguilles de lime.

Les Aiguilles dressées de lime, on les rougir au feu, après quoi on les dans un bassin d'eau froide pour les durcir; ce qui se nomme, les tremper, ou leur donner la trempe.

La trempe donnée, on les met sur le feu dans une poêle de fer, ayant soin de les y remuer de tems en tems. C'est leur donner le revenu, ou les faire revenir.

Les Aiguilles revenues, on les redresse les unes après les autres avec le marteau, la fraîcheur de l'eau en ayant fait dejetter ou torturer la plus grande partie. Cela s'appelle, dresser les Aiguilles de marteau.

Lorsqu'elles ont été dressées de marteau, on les polit d'une certaine façon avec de la poudre d'Emeril, & de l'huile d'Olive.

Les Aiguilles polies, on les netoie du cambroui ou du couroi qui s'y trouve attaché, avec une espèce d'eau de savon; ce qui s'appelle lessiver les Aiguilles.

On les met ensuite dans une Boite avec du Son chaud un peu mouillé, & on les agite jusqu'à ce que le Son soit sec. On nomme cela vaner les Aiguilles.

Après avoir été vanées dans deux ou trois Sons différrens, on sépare les bonnes d'avec les mauvaises.

Ce triage fait, on adoucit leurs pointes par le moyen d'une pierre d'Emeril, que l'on fait tourner avec un Rouet. Cette dernière façon s'appelle l'Affinage des Aiguilles.

Il se fabrique beaucoup d''Aiguilles en Allemagne, à Aix-la-Chapelle, à Paris, à Rouen, & à Evreux.



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